Chaque étranger venant en Pologne doit faire face au problème de louer un appartement, à moins qu’il s’agisse d’un étudiant dont l’école lui fournit le logement dans une maison d’étudiants. Mais même celui-ci voudra au bout d’un certain temps déménager dans un appartement. Ceux qui s’en sortent le mieux sont ceux qui peuvent déménager chez leurs amis ou chez les amis de leurs amis. Si tu ne les as pas, tu dois chercher toi-même. Chaque étranger doit se souvenir de deux choses : du contrat de location et de la déclaration de résidence. Si le premier est bien réalisable, le second constitue un grave problème. En Pologne, il existe une obligation légale de déclarer le lieu de résidence, ce qui veut dire qu’en partant pour plus de 3 jours, par exemple à la montagne, selon la loi, nous devons déclarer notre séjour. Les dispositions ne sont pas appliquées, excepté dans le cas des étrangers, puisque pour obtenir une carte de séjour, il faut présenter un certificat de résidence temporaire. Et nous commençons à truquer – non pas parce que nous le voulons, mais parce que nous devons le faire.

Trouver un appartement à Varsovie et pouvoir le déclarer comme lieu de résidence, c’est presque un miracle. D’ailleurs, louer un appartement n’est pas non plus si facile que ça. Comment nous en cherchons? Comme tout le monde : dans les journaux, sur Internet, et nous tombons sur de nombreuses agences immobilières, même dans le cas des annonces marquées «bezpośrednio» («directement», c’est-à-dire de particulier à particulier). Comment ces agences fonctionnent-elles? Le plus souvent cela marche de la façon suivante : il faut venir, signer un contrat, payer environ 250 złotys et attendre des textos de la part de cette agence avec les adresses et les horaires où vous pouvez regarder les appartements répondant à votre profil. Y-a-t-il une garantie de trouver quelque chose? Non. Or, dans le contrat il est écrit que si en un mois l’agence ne vous trouve pas d’appartement, le contrat est automatiquement prolongé, et ce qui est curieux, c’est totalement gratuit. Toutefois, au bout d’un certain temps vous recevez de moins en moins de textos.

Et comment se passent les visites des appartements ? Vous venez et il s’avère que le prix a augmenté et dans l’appartement il y a encore un couple interessé qui est en train de négocier avec le propriétaire. Ou bien votre rendez-vous est fixé à 13 heures, vous venez et vous entendez par l’interphone «c’est plus actuel». La demande pour les appartements à Varsovie est énorme, et ce n’est pas vous qui choisissez l’appartement, mais c’est l’appartement qui vous choisit. Parfois on arrive à des situations extrêmes – questions du type «à quel point vous aimez vous amuser?» Certes, tout cela concerne les appartements qui sont moins chers. Si vous êtes prêt à louer un studio pour 2000 zlotys, sûrement vous en trouverez un plutôt rapidement car pour la plupart des personnes le prix sera inabordable.

Si on n’a pas d’accent étranger, on a plus de chances de convenir d’un rendez-vous avec le propriétaire par téléphone. Par contre, si on en a, il vaut mieux demander l’aide d’un Polonais. En effet, il arrive souvent qu’à la question : «Est-ce que l'offre est toujours d'actualité?» («Czy oferta jest aktualna?», ce qui est relativement facile à prononcer) on entend «oui», et aux questions suivantes, quand on essaye de fixer un rendez-vous, on entend : «En fait, j’ai déjà quelqu’un qui veut louer mon appartement». Parfois, quand on demande pourquoi, ils nous répondent : «J’ai déjà eu affaire à des Ukrainiens / Bélarusses / Russes et ils m’ont volé les meubles». En général, on croit qu’un Polonais n’est pas capable de tromper et de voler les meubles de l’apartement loué. Mais ce sont des situations extrêmes.

Personnellement, j’ai trouvé mon appartement en un mois et demi. Je faisais mon doctorat,
j’avais un permis de travail, j’étais employée, j’avais une carte de séjour temporaire, j’habitais en Pologne depuis trois ans, et je ne pouvais rien trouver. À un moment, je me suis décidée à payer davantage et enfin trouver un toit. J’ai réussi à fixer seulement quelques rendez-vous et j’y suis venue directement du travail – bien habillée, maquillée, en talons. J’avais donc l’air crédible, mais j’avais un désavantage : j’étais de l’Est. Je voulais louer un studio pour y habiter seule. J’ai eu une proposition dans la rue Racławicka. Après avoir vu le logement et posé quelques questions j’ai décidé de révéler que je n’étais polonaise, et j’ai demandé à la propriétaire si c’était un problème pour elle. Surprise (mon accent étranger est quand même peu marqué), elle m’a assurée que ce n’était rien. Elle a promis de me téléphoner. Elle m’a appelée pour me dire qu’elle avait loué son studio à quelqu’un qui le voulait pour plus longtemps. Moi, j’avais signalé que j’aimeirais le louer pour quelques années (je n’ai pas les moyens d’acheter un appartement), mais bon.... A-t-elle réussi à trouver quelqu’un qui le voulait pour toujours?

Après un mois et demi de recherches, j’ai emmenagé dans un studio liberé par une de mes connaissances. Le propriétaire a signé un contrat avec moi, mais il n’y avait pas question d’obtenir le certificat de résidence. C’est mon employeur qui me l’a fourni. Parmi les documents nécessaires pour l'obtention de la carte de séjour figurent le contrat de location et le certificat de résidence avec la même adresse. Le Service des étrangers m’a conseillé de signer avec mon employeur un faux contrat pour 1 zloty et ainsi éviter tout problème. Et donc, pour conclure, je n’ai pu présenter ni le vrai contrat de location avec le tarif réel, ni le vrai certificat de résidence, étant donné les adresses différentes. Les officiers n’auraient pas accepté cela, j’ai dû truquer : signer un faux contrat pour le présenter au Service des étrangers et ainsi obtenir une carte de séjour temporaire.

Chaque étranger sollicitant une carte de séjour est côntrolé par un policier de quartier. C’était également mon cas. L’agent est venu chez mon employeur un samedi, comme c’était convenu. Ce jour-là donc, j’ai dû me présenter chez mon employeur pour accueillir le policier et lui montrer mon passeport. Il était perspicace et sans aucun doute il a compris que je n’habitais pas là, mais il ne m’a fait aucune difficulté. Et pourtant, même cette absurdité n’est pas aussi absurde que ce que je vais écrire ci-dessous.

Je travaillais dans une entreprise de transport, nous avions 13 camions et nous transportions des marchandises à l’Est (Russie, Bélarus, Ukraine). Je n’étais pas le seul étranger dans cette entreprise. Mon patron a employé quatre routiers du Bélarus et vu que chaque personne doit posséder un certificat de résidence, il les a tous enregistrés à son adresse ! Le travail consistait en ce que les camionneurs polonais chargeaient les marchandises à l’Ouest et les transportaient vers la base près de Varsovie, tandis que les camionneurs bélarusses (munis d’un visa de travail polonais qui n’autorise pas l’entrée dans d’autres pays) attellaient les semi-remorques chargées et les amenaient à Minsk, Moscou, Samara, Nijni Novgorod, Perm (puisqu’ils n’avaient pas besoin de visas pour aller à l’Est). Quand on a voulu leur faire des cartes de séjour afin qu’ils ne soient plus obligés d’atteler les semi-remorques et qu’ils puissent aller eux-mêmes à l’Ouest pour charger les marchandises et ensuite à Moscou pour les décharger, il s’est avéré qu’ils devaient posséder un contrat de location ! Cela veut dire que le routier qui, vu son métier, n’a pas besoin de louer un appartement ou même d’habiter sur le territoire de la Pologne est obligé de présenter un contrat de location ! Ayant déjà de l’expérience, j’ai préparé pour CHAQUE routier un contrat de location d’une chambre chez notre bien-aimé employeur (on ne peut pas l’appeler autrement) pour 1 zloty, j’ai imprimé les quatre contrats et demandé à notre patron de les signer. Le policier les a vérifié en bloc, chaque camionneur a obtenu une carte de séjour. Que peut faire quelqu’un qui n’a pas un tel employeur?

Que font les autres? Ils déclarent comme lieu de résidence les domiciles de leurs amis. Je connais plusieurs couples mixtes qui enregistrent chez eux leurs amis étrangers. Une fois, un de mes amis m’a raconté qu’un policier de quartier était venu chez lui pour lui demander pourquoi il avait déjà enregistré cinq personnes. Et pourtant, les officiers croient que louer un appartement et le déclarer comme lieu de résidence c’est du gâteau. Et ils conseillent comment nous pouvons contourner la loi si nous connaissons quelqu’un qui peut nous enregistrer à son adresse. Quel est mon lieu de résidence officiel? En fait, c’est l’appartement où j’habite vraiment. Comment ai-je réussi à le faire? J’ai obtenu un certificat de résidence temporaire sur la base de mon contrat de location (à l’insu du propriétaire). En effet, à l’Office du quartier j’ai rencontré une personne qui m’a tout simplement aidée. Que se passera-t-il quand le propriétaire apprendra ce que j’ai fait? Je ne veux pas y penser. Mais je dois avoir un certificat de résidence pour légaliser mon séjour en Pologne.

L’absurde est que les Polonais, qui ne veulent pas d’immigrés illégaux dans leur pays, en même temps ne veulent pas remplir leur devoir (toute personne qui loue un appartement est obligée d’enregistrer ses locataires) pour qu’un étranger puisse légaliser son séjour.

Il y a une opinion que personne ne déclarerait sa domicile comme lieu de résidence d’un inconnu. Mais il est aussi facile d’enregistrer quelqu’un que de le rayer du registre, d’autant plus que le certificat de résidence temporaire expire au bout d’une certaine période. On dit que tout d’abord il faut se connaître. Moi, j’ai fait une deuxième demande pour le certificat de résidence après un an. J’avais loué l’appartement depuis un an, j’avais toujours payé le loyer et les factures (éléctricité, gaz, eau) à temps, j’avais changé les tuyaux et peint les murs dans la salle de bain, aux frais du propriétaire, parce qu’il me l’avait permis, et il n’avait même pas voulu voir les tickets de caisse. Je lui avais transmis toutes les lettres et tous les paquets que j’avais reçus. Tout le monde aurait dit que ce sont de très bonnes relations. Alors, après tout cela, j’ai demandé le certificat pour la deuxième fois.«Ce n’est pas possible», a-t-il répondu… Et j’ai commencé de nouveau à chercher une solution…


Texte: Maria Strelbicka
Traduction: Katarzyna Leoniak