Le Congrès des Femmes Polonaises, comme son nom l’indique, concerne les personnes d’un sexe défini mais aussi d’une certaine nationalité. Dans l’intitulé de l’édition de cette année, qui se déroule dans la Salle des Congrès, le deuxième terme n’apparait plus. Nous pouvons interpréter cela comme une affirmation plus claire de faire participer au débat sur la situation des femmes les représentantes des minorités présentes notre pays. Est-ce une stratégie consciente? Même s’il semblerait que ce soit le cas, on s’est contenté pour l’instant de ne changer que l’intitulé du Congrès. Dans le programme du Congrès, on chercherait en vain une thématique liée à l’ethnicité, laquelle avec la « classe » et le « sexe » est l’un des facteurs majeurs des mécanismes systémiques de l’exclusion.

Pourtant, le Congrès a lieu à Varsovie qui représente la plus grande concentration de minorités en Pologne, depuis les réfugiés en passant par les immigrantes d’Asie jusqu’aux représentantes de groupes ethniques présents dans le pays depuis des centaines d’années, comme les Juives ou les Gitanes. Statistiquement parlant, les femmes issues de minorités représentent un pourcentage qui, rapporté à la Pologne homogène, ne parvient pas à dépasser les limites de l’erreur statistique. Ce n’est pourtant pas par hasard que le féminisme académique se plait à considérer les problèmes des femmes d’un point de vue qualitatif - lesquels problèmes, saisis dans leur aspect quantitatif, souvent, disparaissent. Il n’est pas besoin de considérer des problèmes aussi graves que celui des données non mesurables au sujet des viols et des actes de violence conjugale, parmi lesquels la plupart n’est pas du tout déclarée par les victimes et, de ce fait, absente des statistiques. De même, les problèmes des femmes issues des minorités aussi bien ethniques que religieuses ou psychosexuels sont ici un bon exemple. Surtout dans un pays tel que la Pologne où les enquêteurs du recensement national inscrivent souvent automatiquement « polonaise » dans la rubrique nationalité (puisque quelle autre ?) La discrimination croisée n’est pas perçue et lorsqu’elle l’est, elle est marginalisée.

Les représentantes des minorités acquièrent très lentement une parole car la xénophobie, le racisme et l’homophobie dans la population féminine se répartissent de manière similaire à celle que l’on observe dans la population masculine – bien que l’on pourrait s’imaginer qu’étant donné leur expérience de la discrimination, les femmes devraient être plus tolérantes envers la diversité et plus aptes à défendre la liberté d’expression. En attendant, le Congrès des Femmes m’a rappelé le premier réseau historique qui rassemblait alors des femmes blanches, éduquées, de la classe moyenne.
Ce n’est pas mal d’être une femme comme cela. C’est mauvais lorsque l’on ne profite pas de ce privilège pour tirer vers le haut des personnes qui ont moins de chances. Durant le Congrès, ont été lancés des appels vers les femmes qui occupent des postes importants, afin de les sensibiliser aux problèmes de celles qui n’ont pas pu s’élever et briser le plafond de verre. Des appels ont été lancés en direction des hommes qui sont, par principe, privilégiés et qui devraient, au nom de la justice sociale, agir au profit de la parité dans la vie publique. En revanche aucun appel n’a été formulé à propos des citoyennes polonaises et des femmes de nationalité autre, vivant dans notre pays. On peut accepter l’argument selon lequel il existe des affaires plus importantes, telles que la parité, qu’il existe des problèmes de plus grande ampleur, telles que les barrières qui existent sur le marché du travail ou la prise en charge réimposée à la famille du coût des soins donnés aux enfant, aux malades et aux personnes âgées, et qui, généralement, signifie une charge supplémentaire imposée aux femmes. Ce sont des affaires importantes et il est bon qu’il y ait une solidarité grandissante autour du combat pour ces questions.
Je ne peux toutefois pas me défaire de la crainte que le report dans le temps des affaires qui concernent les femmes des minorités rappelle beaucoup la situation de leur exclusion à l’époque de la première vague de féminisme et qu’il y ait une analogie avec la minimisation du rôle des femmes dans la politique après 1989. Je ne me souviens pas personnellement d’avoir entendu le slogan « Les femmes, ne nous dérangez pas, nous nous battons pour une Pologne libre » mais mes collègues plus âgées ne tolèrent pas qu’on l’oublie.

Avons-nous le droit, maintenant, de ne pas aborder les sujets de l’exclusion des Gitanes, de la discrimination des réfugiées tchétchènes, au nom de raisons jugées prioritaires? La marginalisation des femmes déjà exclues aura un contrecoup sur tout le mouvement féministe en Pologne.
Le congrès a montré qu’il y a chez les femmes une envie de plus en plus grande d’agir, une détermination de plus en plus importante à acquérir le pouvoir, mais aussi l’argent qui joue un rôle important dans l’activité au sein de la sphère publique. Que le mouvement des femmes polonaises ne commette pas les mêmes pêchés que celui que commirent nos mamies de derrière la frontière occidentale.

Pour moi, le Congrès a été un événement inspirateur. J’avais déjà été touchée lors de la projection du film d’ouverture qui relatait l’édition de l’année précédente. J’ai été vite refroidie par le discours du maréchal Komorowski qui, exprimant un point de vue typiquement masculin, a considéré que la parité n’était pas une bonne chose. En l’appelant à proposer plus de perspectives, nous mêmes devrions aussi consacrer plus d’attention aux femmes dont la voix manquait lors de ce Congrès.


Texte: Katarzyna Czerwonogóra
Traduction: Sadia Robein