C’est comme dans le carnaval – il semble que la méthode la plus simple soit de «soustraire», ou choisir une tenue la plus modeste possible. Dans les rues de Bamako, on peut admirer aussi des yeux charbonneux et brillants ou des lèvres scintillantes. Bref : des cosmétiques français que l’on peut acheter dans les supermarchés de Varsovie. Dans les grandes villes africaines, les salons professionnels pratiquent le maquillage permanent.
Dans la province, le temps passe lentement : les citadins disent que c’est ennuyeux ici. Je crois qu’il serait apprécié et bien vu de s’adapter à cette monotonie. Après tout, le soleil se lève de façon monotone. Et alors? La mode dans la province est plus conservatrice, ce qui ne veut pas dire que les femmes ne soulignent pas leurs charmes. Ici, c’est la modération et la discrétion qui règnent.
La beauté est importante dans chaque culture. D’habitude on y consacre énormément de temps. Dans le Sahel aussi. Imaginons-nous que quelqu’un s’occupe des mains ou des pieds féminins. Et maintenant, une petite devinette : il ne s’agit ni du manicure ni du pedicure. Que peut durer tant de temps en ce qui concerne l’embellissement ? C’est l’application du henné, bien évidemment ! Même les chameaux du Sahel le savent. Après une telle séance, les mains et les pieds sont artistiquement décorés de motifs marron. Ils peuvent être même très foncés si une femme veut se distinguer davantage. Les femmes peules, par exemple, ont le teint plus claire par rapport à d’autres habitantes de l’Afrique subsaharienne. Ainsi, le henné contrastant fort avec la peau souligne davantage la beauté.
Une tel maquillage est une tradition ancienne dans cette région. À l’occasion de diverses cérémonies familiales, surtout des noces, on teignait les tissus, les mains et les pieds. Rien n’a changé jusqu’aujourd’hui. Les femmes utilisent toujours le henné qui est la base de la belle apparence. Il les rend plus belles et plus sûres d’elles, dès lors, elles montrent leurs ornements avec fierté. Le temps consacré à l’application du henné, la précision et la beauté des motifs décoratifs sur les pieds et les mains – tout cela est remarqué par les hommes. Cette ornementation fait disparaître toutes les interdictions et d’autres tabous culturels. Le henné est perçu comme une méthode discrète de séduction.
Le maquillage au henné est désigné comme tatouage temporaire vu qu’il se conserve en moyenne trois semaines. Il est un domaine féminin, les femmes préparent elles-mêmes la teinture. On prend deux cuillères de poudre de feuilles sechées, on ajoute un verre d’eau et une cuillère de jus de citron et d’eau de rose. Le jus de citron peut être remplacé par l’huile
afin d’obtenir un tatouage plus résistant. Après avoir tout mélangé, on obtient une pâte de
consistance homogène, prête à utiliser. Elle devrait rester sur la peau après la première application. Dans ce but, certaines femmes la font bouillir ou y ajoutent du sucre. En tout cas,
après la préparation, on fait une pause de 2-3 minutes et ensuite commence l’application proprement dite. La pâte doit être vite utilisée car elle perd ses propriétés dans une courte période de temps. Pour peindre, d’habitude on se sert d’un bâtonnet en bois. Après l’application du henné, les pieds et les mains sont protégés par un simple sac plastique ou par une chaussette, ce qui donne de la chaleur et de l’humidité et conserve le tatouage.
Le henné est répandu parmi les femmes du Sahel, région plutôt musulmane, c’est pourquoi, il a ses opposants. Ceux-ci avancent l’argument que le henné ne permet pas de faire l’ablution, c’est-à-dire le lavage obligatoire des mains et des pieds avant la prière.
Il paraît que le henné jouait déjà un rôle esthétique et religieux en Mésopotamie et en Égypte. Dans les pays comme la Chine ou le Viêt Nam, les femmes se peignent les ongles de cette façon. Le henné est arrivé au Maghreb et en Afrique subsaharienne avec les invasions musulmanes. Ceci concerne surtout les pays comme le Mali, le Sénégal et le Niger.
Au Maghreb aussi bien qu’en Afrique de l’Ouest, les hommes sont capables de déchiffrer le «message» du henné. C’est un signe de finesse, un signal d’amour, un appel au plaisir et même une promesse de bonheur. C’est un appel à la passion dans les pays où la décence est fort, pour ne pas dire sévèrement, «recommandée» par le sexe masculin. Mais comme partout, l’érotisme a ses méthodes subtiles et efficaces pour se balader tranquillement dans les rues.
Quand les femmes parlent du henné immédiatement apparaît la question du comportement sexuel des hommes. Tout cela est proche de la sauvagerie animale. Le henné et le sexe ! La forte odeur excitante évoque la période nuptiale, et les femmes soulignent qu’il n’y a rien de honteux là-dedans. Au contraire, c’est une pure beauté ! Le henné a une symbolique érotique. Traditionnellement, il était considéré comme un signe de désir, de sexe. Discrétion, langage chiffré, jeu sensuel des corps. Aujourd’hui c’est le langage des signes au Maghreb – chaque partie du corps a sa signification: les fesses (besoin du sexe), les bras (besoin de la tendresse), le ventre (besoin de la maternité).
Beaucoup de jeunes gens choisissent le tatouage au henné car ils sont enchantés par la beauté des ornements, mais surtout à cause de sa courte durée. Notamment à l’Ouest et au Brésil. C’en est fini du tatouage douloureux qui marque le corps à jamais. C’est son plus grand atout. On peut employer des motifs du tatouage classique pour deux semaines et changer de dessins autant qu’on veut. Les salons de beauté en Europe l’ont compris il y a longtemps.
Texte: Mamadou Diouf
Traduction: Katarzyna Leoniak