Une situation économique problématique, les guerres et autres conflits, le non-respect des droits de l’Homme et l’accès difficile à l'éducation sont les raisons principales pour lesquelles les Africains viennent en Pologne et, plus généralement, en Europe. Mais dans l'article ci-dessous, je ne vais traiter que de la question économique, car c'est, jusqu'à présent, la cause la plus importante des migrations vers l'Ouest. Les Africains ne sont pas toujours venus en Europe à la recherche d'une vie meilleure. Cette folle course au fric commença au début des années 80, et le cas du Nigeria le montre bien. Avant, les Nigérians n'avaient aucune raison d'émigrer vers l'Europe. Nous partions exclusivement pour suivre nos études et ensuite, nous rentrions toujours dans notre pays natal.

POURQUOI? Parce qu'un travail stable nous y attendait. C’était le temps où le naira nigérian valait plus que le dollar ou la livre britannique. Le Nigeria (comme beaucoup d'autres pays d'Afrique) était un état avec une économie forte.

Cependant, plus tard, dans la plupart des pays du Continent Noir, éclata une affreuse épidémie - celle des gouvernements militaires. Les armées se saisirent du pouvoir tant au Nigeria qu'au Ghana, au Cameroun, en Ouganda, au Togo, en Sierra Leone, au Liberia et que dans beaucoup d'autres pays. Les militaires gaspillèrent les ressources du pays et pillèrent le trésor national. L'inflation galopait, tout devint cher et inaccessible à l’habitant moyen.

La monnaie nigériane perdit de sa valeur. Un dollar coûtait 40 nairas. Il n'y avait pas de travail. La pauvreté et la famine touchèrent la majorité de la société.

Comme on sait, le combat pour la survie est l'un des traits inhérents à la nature humaine.
Lorsque les jeunes Africains ne purent plus vivre dignement dans leurs pays respectifs, la seule solution fut d'essayer de vivre à l'étranger. L'Europe représentait une possibilité très prometteuse.

Voilà pourquoi beaucoup d'habitants d'Afrique y partirent.

En Afrique, on entend beaucoup d'histoires sur l'excellente qualité de vie et de travail en Europe. Beaucoup d'Africains croient que de s’y rendre est le meilleur moyen de s'enrichir et d'assurer son avenir. L'apparente réussite de quelques immigrants malhonnêtes dans divers trafics entretient cette illusion et les jeunes Africains risquent tout pour entrer sur le sol européen.
Ces immigrés malhonnêtes, peu nombreux et présents principalement en Europe Occidentale, s'enrichissent souvent de manière illégale et, dans la plupart des cas, reviennent en Afrique pour s’y afficher. Ils achètent des voitures de luxe, bâtissent de superbes maisons, attirent les plus belles filles des environs. En somme, ils rendent envieux les garçons des quartiers.
Les locaux, en voyant avec quelle facilité les hommes revenus d'Europe claquent le fric, se jurent de faire tout pour y parvenir aussi. Ils ne pensent pas à la manière dont cet argent a pu être gagné. Ce qu'ils attendent, c'est de pouvoir, eux aussi, s'enrichir rapidement en Europe, puis d’acheter des voitures de luxe, de rentrer au pays, d’y bâtir de grandes maisons, d’y aider leurs familles et, en bref, d’accéder au bonheur.

Lorsque quelqu'un en Europe - par exemple en Pologne - tente de les mettre en garde en leur expliquant que la vie n'y est pas si rose, qu'il y a un risque d’être au chômage, les jeunes Africains demandent toujours: "Si la vie y est si mauvaise pourquoi tu y restes? Pourquoi ne reviens-tu pas en Afrique si la Pologne est mauvaise?"
Le problème est que, pour beaucoup d'immigrants potentiels, la Pologne, aussi bien que le reste de l'Europe, est un pays où coulent le lait et le miel, un pays aux grandes opportunités et une occasion de s'arracher à la pauvreté.
Voilà quelles sont les attentes!

Après son arrivée en Pologne, l'immigrant doit trouver rapidement un travail. Avant, il s'imaginait qu'il allait travailler dans une usine, dans un hôtel, dans un supermarché ou qu’il serait employé en tant que chauffeur ou routier.
Le premier choc est pour lui, donc, de découvrir qu'il ne sera non seulement employé dans un aucun de ces métiers mais qu'il ne trouvera pas de travail du tout.
Puis il apprendra que, même parmi les Polonais, il est des chômeurs et que des milliers de citoyens fuient vers d'autres pays, comme la Grande-Bretagne ou l'Irlande. Une fois cette affreuse vérité appréhendée, advient une confrontation progressive avec la réalité.
Mais beaucoup d'entre eux n'abandonneront pas si facilement, ils sont tout de même en Europe!
Ceux qui sont intelligents et éduqués essaient une autre option. Ils impriment leurs CV et cherchent par eux-mêmes un emploi - une grande partie d'entre eux a fait des études supérieures. Une autre déception est causée par la langue, ou plutôt par sa méconnaissance. Les immigrés ne parlent pas polonais et l'anglais n'est employé dans aucune administration ou aucun bureau d'intérim où ils pourraient trouver du travail.
Que faire, donc? Devraient-ils apprendre le polonais? Ils savent que la connaissance de cette langue leur donnerait beaucoup de possibilités. Mais seraient-ils prêts à consacrer six mois pour l'apprendre? Que feraient-ils d’ici là? Non! Ils ne sont pas venus ici pour cela! Le polonais attendra. Qui sait, peut-être seront-ils capables de l'apprendre tout seuls, dans la rue.
Maintenant il leur faut du travail, n'importe lequel.
Puis, ils apprennent l'existence du Stade.
Ils s’y rendent. Et là... nouveau choc.
Ils s’attendaient à rencontrer d'autres Africains vendant leurs marchandises dans de bons magasins. Ils s’attendaient à un centre commercial.
Mais cela n'est pas le cas!
Mais, puisqu'il leur faut gagner de l'argent, eux aussi, ils achètent une petite table et étalent leur marchandise. Ils doivent aussi faire de la criée et attirer le client de toutes les manières possibles.
Ces immigrés ont dépensé tout leur argent, ont risqué beaucoup (même leur vie) pour venir en Pologne et, maintenant, la seule solution pour eux est de marchander des chaussures bon marchés et d'autres pacotilles, comme beaucoup le font en Afrique! Est-ce vraiment l'Europe? Avec tout ce bruit? Et les récits qu'ils avaient entendu sur tous ces bons postes à pourvoir?

Beaucoup d'immigrés font tout simplement face à leur situation difficile et vivent comme la majorité.
Cependant, certains n'accepteront jamais que le Stade soit leur seule source de revenus. Ce n'est pas pour cela qu'ils ont fait tout ce chemin et pris autant de risques. Surtout que dans les rues de Berlin ou de Zurich, on fait toujours le commerce de drogues.
La Pologne n'a rien à offrir à ces personnes. C'est pour cela qu'ils vont plus loin, en Allemagne ou vers d'autres pays occidentaux. Une partie d'entre eux y rencontrera le succès mais d'autres finiront en prison, seront expulsés ou, dans les cas extrêmes, perdront la vie.

Ceux qui sont restés en Pologne ne vivent pas mieux. Ils se cachent en permanence de la police et des représentants de la Douane. Le véritable cauchemar commence avec l'expiration de leur visa. Ils deviennent alors des immigrés illégaux. Ils doivent se cacher sans cesse tout en essayant de gagner leur vie.
Certains ont de la chance. D'autres, ceux que la police arrêtera, seront transmis à la Police des Frontières à Okęcie [aéroport de Varsovie] Une expulsion inévitable les attend.

Parmi les immigrés s’en trouvent qui passent pour être des veinards. Ce sont ceux qui ont des papiers et un travail - au Stade ou ailleurs. Mais à vrai dire, ils ne sont pas heureux. Ils doivent toujours faire face, en Pologne, à des difficultés.
La plupart d'entre eux ne peut pas traverser la rue sans entendre: "Putain, un noir !", "Bamboula !". Un immigré africain dit s’être si souvent entendu appelé "Putain, un noir !" qu'il finit parfois par croire que c'est son vrai prénom!
En Pologne, beaucoup d'Africains sont confrontés au racisme. Parmi les Polonais non-racistes, en revanche, persistent des stéréotypes concernant les Africains. Une partie d'entre eux croient toujours que les Africains habitent dans des forêts. C'est pour cela qu'ils ne me croient pas lorsque je leur dit que la première fois que j'ai vu des lions, girafes et éléphants c’était en 2005 à Varsovie! Ainsi, le racisme et les stéréotypes négatifs restent deux grands défis et obstacles que rencontrent les immigrés en Pologne.

L’autre problème est le manque d'efforts réels faits par les autorités polonaises pour intégrer les Africains.
Il n'existe aucun projet gouvernemental qui permette d'aider le processus d'intégration. La société africaine est, en Pologne, abandonnée à elle-même. Ce que nous apprenons et obtenons, nous le devons uniquement à nous mêmes. Notre présence ici est quasiment invisible.

Cependant la communauté africaine restera en Pologne et deviendra de plus en plus importante. Beaucoup de gens, bons comme malhonnêtes, vont affluer ici chaque année. Nous ne partirons pas d'ici.
Toutefois, l'assurance des autorités quant à la bonne intégration des immigrés africains à la société polonaise encourage beaucoup d'entre nous considérablement.


Texte: Ify Nwamana, auteur du livre "Le Stade. Des Jeux Diaboliques."
Traduction de la langue anglaise: Anna Piątek.
Traduction de la langue polonaise: Sadia Robein.