Vers la fin de l'année 2007, une rumeur, selon laquelle le Stade [dit du 10ème anniversaire] devait être fermé, s'avéra fondée. On en vint même à en parler dans les médias.
Pour cette partie de la population polonaise - toujours plus importante - qui était hostile à la présence d’Africains dans Varsovie, ce fut une source de contentement et l’espoir qu'un prétexte put enfin être trouvé pour chasser ces "étrangers" du territoire polonais. Pour les Africains, en revanche, cela signifiait la nécessité de faire face au problème d'un avenir incertain. Leur situation semblait désespérée- le Stade devait être définitivement fermé. Pour la plupart des Africains qui y travaillaient, le Stade était devenu à l'époque le seul lieu à Varsovie où il leur était possible de gagner de l'argent. Sa fermeture signifiait, pour presque chacun d'eux, une seule chose – quitter le pays obligatoirement!
Cette situation inquiétait non seulement les Africains eux-mêmes mais également les Polonais qui étaient leurs proches. Les épouses polonaises des Africains étaient les plus affligées. Elles avaient peur d'être abandonnées par leurs hommes qui s'apprêtaient à prendre le chemin de l'Ouest.
D'autre part, beaucoup d'hommes polonais aux opinions racistes, qui ne supportaient pas la présence des Noirs à Varsovie, poussèrent un soupir de soulagement. Ils espéraient, en effet, un départ massif des Africains de Varsovie, de Pologne, du champ de leur vision.
Les Africains eux-mêmes commencèrent à croire que le temps d'un "Grand Exode" était advenu. Beaucoup parmi eux organisaient déjà leur départ du pays.

Les jours passèrent. Puis les semaines et les mois. Les Africains ne partaient toujours pas. Ils ne déménageaient pas non plus. L'Ouest ne les attirait pas. L'Exode n'eut pas lieu. Les Polonaises, ou du moins la plupart d'entre elles, ne perdirent pas leurs maris ni leurs petits amis.

Le Stade, ou plus précisément son pourtour, fut fermé mais les commerçants se virent attribuer un nouvel endroit, non loin de l'avenue Zieleniecka. Toutefois, seulement 20 % des Africains décidèrent d'y emménager.

Ils ne quittèrent pas le pays ni ne changèrent de lieu leur commerce. Où sont-ils donc? Où sont-ils allés? Ont-ils disparu?
Mais pas du tout, même si nous ne reverrons plus jamais la plupart d'entre eux marchander au Stade. La situation difficile, liée à sa fermeture, les obligea à recourir à des moyens de survie radicaux grâce auxquels ils purent s'adapter à nouveau.

Presque chacune des personnes qui perdit son emploi au Stade envisageait de partir et beaucoup s’y étaient déjà décidées. Lorsque l'heure de quitter le pays sonna, passer à l’acte s'avéra plus compliqué que l'on ne le prévoyait. Soudain, ce départ apparut comme un projet peu pratique. Comment pouvait-on laisser sa femme et ses enfants et partir, seul, pour l'Allemagne, les Pays-Bas ou l'Angleterre? Comment pouvait-on être sûr qu'on trouverait facilement du travail dans l'un de ces pays? Était-il vraiment possible de tout recommencer, dans un pays nouveau?

La plupart des Africains devait trouver les réponses à ces questions. La réalité l’emporta sur l'imagination et la majorité des Africains resta au pays et décida de chercher du travail à Varsovie ou dans ses environs.

Nous pûmes rencontrer, pour la première fois, des Africains employés dans des supermarchés de Varsovie. Beaucoup d'entre eux furent embauchés dans des entrepôts et usines de la capitale et de ses environs. De même, le fabricant de voiture FSO commença à employer un grand nombre de ces immigrés.
Ceux à qui le système du salariat ne convenait pas choisirent un autre chemin - ils ouvrirent leur propres magasins. Tant que l'on n’avait pas fermé le Stade, il n'existait à Varsovie aucun magasin africain. Aujourd'hui, dans beaucoup de quartiers de la ville, on voit ce type de commerce se répandre.
D'autres - ceux qui possédaient un capital suffisant - s'occupèrent d’import-export entre la Pologne et l’Afrique.

Bien qu'au départ la fermeture du Stade fût source de souffrance et de difficultés pour les Africains, elle devint par la suite une bonne occasion pour eux de se montrer sous leur meilleur jour.


Texte: Ify Nwamana, auteur du livre "Le Stade. Des Jeux Diaboliques."
Traduction de la langue anglaise: Joanna Posłuszny.
Traduction de la langue polonaise: Sadia Robein.