Je vis dans le mariage mixte. Polonais-russe. Ce qui est la vertu du mariage mixte c’est le multiculturalisme-nous célébrons aussi bien les fêtes polonaises que les fêtes russes. Nos enfants parleront deux langues. Nous sommes plus ouverts à une autre culture. Comment est-ce qu’on vit dans le mariage mixte? Qu’est-ce qui est le mien, le tien, le nôtre? En habitant à Varsovie, je dis «et chez nous à Moscou», et en arrivant à Moscou, je dis «et chez nous à Varsovie». La notion de la maison n’est plus si évidente, bien que la maison soit là où l’on a sa famille. J’aime le sport et je supporte les miens, c’est-à-dire les Russes, mon mari supporte aussi les siens, c’est-à-dire les Polonais.

Est-ce que nous nous disputons quand la Russie joue contre la Pologne? Non. Est-ce que nous nous réjouissons des succès de l’équipe de l’époux(-se)? Oui. Mon mari admirait les succès de notre équipe nationale de foot et nous avons été ensemble dans les Champs de Mokotow au cours du match Russie-Espagne. Et moi, je voulais beaucoup que notre «tsarine de la perche» gagne à Berlin, mais malheureusement elle a perdu. Est-ce que j’étais déçue? Pas jusqu’à la fin-pourtant elle a perdu avec la Polonaise, c’est-à-dire avec la nôtre aussi. Dans les mariages mixtes qui habitent en Pologne, on parle le plus souvent polonais, et quoi que ce soit, aussi cette autre langue si l’époux(-se) la connaît. Nous célébrons les fêtes de ces deux cultures: on fait bénir les œufs de Pâques à l’église et à l’église orthodoxe, nous célébrons Maselnica-la fête païenne russe de la fin de l’hiver, pendant les fêtes de Pâques orthodoxes nous allons toujours à la messe principale de nuit à l’église orthodoxe dans Praga, nous nous donnons des cadeaux pendant la veille de Noël catholique et nous nous mettons tous à table avec la famille ou avec les amis (pas nécessairement des catholiques).

Le mariage mixte enrichit chacun de nous spirituellement et culturellement. Grâce à mon mari j’ai fait mieux la connaissance de la cuisine polonaise et même j’ai aimé la soupe aux betteraves rouges que je n’ai pas pu accepter en comparaison de la soupe aux betteraves ukrainienne il y a peu de temps.

Est-ce qu’il est facile de se marier avec le Polonais? Facilement. Il suffira d’un certificat de l’ambassade qu’on n’a pas contracté un mariage sur le territoire de son pays et d’une traduction assermentée de l’acte de naissance de l’étranger. On peut contracter un mariage même si on est illégalement en Pologne. A cause de cela, les ambassades de certains pays africains persuadent franchement leurs citoyens de cette façon de la légalisation. Dans certains pays européens il faut ramasser un million de papiers pour pouvoir se marier, et en Pologne tout est simple.

Mais la contraction du mariage ne garantit pas du tout la facilité des contacts avec les offices à un étranger. Si on a l’époux polonais, on peut solliciter la carte de séjour temporaire à titre de mariage. J’habite en Pologne depuis 2004, j’ai eu quelques cartes de séjour temporaire à titre d’études et j’en ai eu une à titre de travail. En me mariant avec le citoyen de Pologne, je séjournais à RP sur la base de cette dernière carte. D’après la législation polonaise, à chaque fois j’ai reçu une carte de séjour pour une année, la dernière carte-à titre de travail-aussi pour une année. L’absurdité consiste à ce que je sois moins digne de foi comme la femme du Polonais que la Russe qui travaille en Pologne. Je recevrais la deuxième autorisation de travail en Pologne pour deux ans et par suite de cela la carte de séjour aussi pour deux ans, mais je n’ai pas sollicité l’autorisation de travail et j’ai voulu obtenir la carte de séjour à titre de mariage. Comme c’est ma première année après le mariage, j’ai seulement le droit à une carte pour une année. On ne tient pas compte de ce que j’ai habité quatre ans en Pologne et que j’ai eu quatre cartes de séjour avant le mariage. Dans cette situation ça vallait plus la peine de solliciter la carte de séjour à titre de travail, et de l’obtenir pour deux ans, qu’à titre de liaison des familles, car je ne l’ai reçue que pour une année(le coût de la délivrance de la carte s’élève à 400 PLN et presque deux mois d’attente, et encore les nerfs et la perte de temps).

Mais ce n’est pas la fin des problèmes des familles mixtes. Après avoir déposé des documents afin d’obtenir la carte de séjour, chaque mariage est convoqué à l’entretien. C’est l’inspecteur du Département des Etrangers qui fait la conversation à jour fixe. On parle avec chaque époux(-se) séparément, et puis on compare les déclarations. Ce qui est intéressant, c’est qu’on interroge les deux familles simultanément dans la seule pièce. Il est évident qu’on viole le droit à la vie privée. Mais les fonctionnaires ne s’en font pas. Ce qui les intéresse plus, c’est le nombre de personnes qui étaient à la noce, c’est de savoir comment s’appelle l’oncle du mari, comment est meublé l’appartement, quand le couple a fait la connaissance et quand les personnes se sont installées ensemble, comment on a passé le dernier week-end, de quelle couleur sont les murs de l’appartement. Après quelques questions de ce type, j’ai demandé à l’inspecteur qu’il me demande la couleur des brosses à dents, car mon mari et moi, nous l’avons spécialement vérifié avant de sortir. L’inspecteur m’a souri et il m’a demandé la couleur des pantoufles. Dans mon travail, quand je racontais ce qu’on m’avait demandé, tout le monde a dit qu’il ne passerait pas par cette vérification car d’habitude, c’est l’un des conjoints qui paie l’électricité et le gaz, et l’autre ne sait même pas combien. En plus, les hommes et les femmes perçoivent différemment les couleurs et pas chacun a la mémoire des prénoms ou des dates. Mais dans le mariage mixte on ne peut pas l’ignorer.

L’absurdité c’est qu’en Pologne l’acte officiel est plus important que la famille. Le mari et la femme doivent faire la déclaration de résidence sous le même toit. Il me semble parfois que la déclaration de résidence dans l’état polonais est plus important que tout. Mon mari a fait sa déclaration de séjour à Kalisz, moi, je l’ai faite chez mon employeur près d’Otwock. Nous louons un appartement chez monsieur qui a signé un contract avec nous mais il ne voulait pas faire la déclaration de notre séjour. Pour prouver que, malgré la divergence de la déclaration de résidence, nous habitons sous le même toit, nous avons présenté le contract de location, les relevés de compte confirmant les charges de location, d’électricité, de gaz, d’eau. C’était insuffisant-ils m’ont fait fournir la déclaration de résidence. Je pourrais faire ma déclaration de séjour à Kalisz, mais il faudrait s’y rendre pour déposer une demande de carte de séjour, à l’audition, pour recevoir la décision et la carte, ce qui signifierait les congés et de grands frais de voyage. Mais malgré cela, il n’y aurait pas de certitude car le gardien du quartier, soit l’inspecteur peuvent toujours nous rendre visite et constater que nous n’y habitons pas. Alors dans notre cas c’est seulement Varsovie qui entrait en jeu. La déclaration de résidence sous le même toit était impossible. A jour fixe je me suis présentée dans le Département des Etrangers pour recevoir la décision, mais on ne me l’a pas donnée parce que mon mari et moi, nous n’avions pas fait notre déclaration de séjour sous le même toit. Malgré mes supplications, le propriétaire de l’appartement a répondu: « il n’y a pas la possibilité de faire la déclaration de séjour ». S’il nous avait annoncés, j’aurais obtenu la carte de séjour. C’est-à-dire-c’est un homme étranger qui a décidé du sort de ma famille. Et tout ça conformément à la loi. Quand nous avons eu conscience de cela, mon mari s’est rendu au cabinet du Voïvode de Mazovie en disant: « Bonjour. Je voudrais actionner le Voïvode devant le tribunal parce qu’il veut désunir ma famille». Après deux jours, mon inspectrice m’a téléphoné pour m’inviter à la réception de la décision positive sur l’autorisation de résidence. Mais ce n’était pas la fin. On me disait que le propriétaire de l’appartement devait faire notre déclaration de résidence. Puisqu’ il ne le fait pas, nous devons le déclarer (et à cause de cela être mis sur le pavé). Nous ne l’avons pas annoncé, mais nous avons attendu tout le temps la réaction de notre inspectrice Marta M. Et un jour nous avons été cités à comparaître dans l’office de notre quartier pour expliquer l’inobservation de l’obligation de s’annoncer. L’inspectrice Marta M. a fait une délation envers nous.

Heureusement dans l’office de notre quartier il y avait une personne qui avait compris l’absurdité de la situation dans laquelle je me suis trouvée avec mon mari, et elle nous a annoncés sur la base du contrat de location qu’elle avait traité comme l’accord du propriétaire à la déclaration de résidence. L’obtention de la carte de séjour m’a pris presque deux mois et demi, je vivais sous tension car on ne savait pas si Marta M. ferait une délation, comment on nous traiterait dans l’office du quartier, si le propriétaire apprendrait et s’il nous mettrait sur le pavé. Tout ça a abouti à d’assez graves problèmes de santé. J’ai écrit deux réclamations au Voïvode concernant le harcèlement de mon mari et de moi. Nous avons été invités à l’entretien chez le directeur adjoint du Département des Etrangers de Maria K.
Après les excuses, la compassion et l’affirmation que cela ne se répétera plus et que nous pourrons lui demander l’aide la prochaine fois, j’ai retiré une plainte. Récemment j’ai présenté la demande suivante de carte de séjour suivante. Est-ce que quelque chose a changé? Non. La déclaration de résidence est toujours une chose essentielle pour la légalisation du séjour. Ce qui est important dans chaque famille, c’est l’appui de la part de l’époux(-se), c’est très important en cas de familles mixtes. L’époux(-se) ne parle pas toujours couramment polonais, il ne peut pas arranger tout seul certaines choses, s’apercevoir de la réalité polonaise. C’est pourquoi l’attitude de l’époux(-se) est si importante.
Pour les mariages mixtes que je connais, les différences culturelles ne font aucun problème(à vrai dire elles sont minimales parmi les Slaves), la différence de religion non plus. Mon amie s’est mariée à l’église orthodoxe sans le moindre problème et chacun de la famille l’a accepté. Nous, nous nous sommes mariés au service de l’état civil et cela n’a fait aucun problème non plus. Aucuns événements historiques ne nous dérangent pas dans notre mariage, d’ailleurs on ne parle pas simplement de certaines questions, elles existent dans notre mémoire.


Texte: Maria Strelbicka
Traduction: Jadwiga Senska