D'où viens-tu? Comment t'appelles-tu? Et depuis combien d'années vis-tu en Pologne? - ces questions font presque la sainte trinité à laquelle les Vietnamiens peuvent s'attendre lorsqu’ils font de nouvelles connaissances en Pologne. La première question ne pose aucune difficulté (un ami Japonais répond toujours, dans ces cas-là, sourire désarmant aux lèvres: "Du centre ville"). Concernant la durée du séjour en Pologne, cela relève également d'une évidence. Quant à la question "Comment t'appelles-tu?", elle sème un certain doute. Ce qui semble aux Polonais aller de soi, peut constituer, pour les Vietnamiens, un certain défi. Mais avant d’apprendre à se débrouiller avec les noms asiatiques et avec l'appareil articulatoire des Polonais qui n’est pas adapté à leur prononciation, nous aurons besoin d'un bref mode d'emploi des prénoms et noms vietnamiens.

Un Nuage Parlant Astucieux
Les Vietnamiens, comme les Chinois et les Coréens, se servent, lorsqu'ils se présentent, d'un triple nom formé d'un nom de famille, d'un prénom intermédiaire et d'un prénom attribué.

Le nom de famille
Au Vietnam, on emploie environ cent noms de famille qui, à une époque lointaine, furent empruntés à ceux des dynasties royales, en signe de fidélité. Ces noms furent formés sur la base des noms chinois et, parmi les plus populaires, se trouvent des noms comme Nguyễn, Trần ou bien Lê.
Si l'un de vos amis est Vietnamien, il est très possible que son nom soit justement Nguyễn, car environ 40 % des Vietnamiens le portent!
Les noms de famille sont toujours donnés en premier lieu, lorsque l’on se présente ou lorsque l’on signe. Donc, comme je m'appelle Đàm Vân Anh, je donne toujours d'abord le premier terme de mon nom, Đàm, qui veut dire en chinois "parler".

Le prénom intermédiaire
Par le passé, un prénom intermédiaire était choisi selon le sexe de la personne, car la plupart des prénoms vietnamiens portés pouvaient l’être et par une femme et par un homme, et il fallut trouver un moyen de marquer le sexe. Aux Vietnamiennes, on donna comme prénom intermédiaire Thị, et aux Vietnamiens Văn. Aujourd'hui, les parents disposent d'un plus grand choix de prénoms intermédiaires qui peuvent constituer un complément du prénom attribué. Le prénom intermédiaire devait aussi souvent indiquer la génération à laquelle appartenait la personne qui le portait et permettait ainsi de faire la distinction entre diverses branches de grandes familles ou de spécifier la place dans la hiérarchie familiale (selon l'ordre de naissance). Mon prénom intermédiaire - Vân - veut dire "nuage".

Le prénom attribué
Et pour finir, l'élément le plus intéressant - le prénom attribué que les parents donnent à leur enfant en espérant qu'il aura de l’influence sur son caractère et sur toute sa vie. Chaque prénom vietnamien a sa propre signification qui est, le plus souvent, une vertu (Trung – fidélité, Hùng – courage, héroïsme, Anh – astuce, intelligence), une fleur ou un fruit (Hồng – rose, Nho – raisin), ou bien un phénomène naturel ou une saison ((Tuyết – neige, Thu – automne).
Le même prénom peut souvent être porté aussi bien par les femmes que par les hommes. Étant donné que l'on fait usage d'un nombre très restreint de noms de famille, le prénom attribué (habituellement accompagné du prénom intermédiaire) est celui dont les Vietnamiens se servent le plus volontiers. Cela vaut également pour les relations officielles et lorsqu’on s’adresse à des personnages célèbres envers lesquels on manifeste son respect par l'emploi des termes Monsieur ou Madame avec non pas le nom mais le prénom du destinataire. Bien que le nom d'un moine vietnamien Thích Trí Quang soit Thích, les Vietnamiens vont s'adresser à lui par "Monsieur Trí Quang".

Ce qui induit en erreur les Européens, c’est le fait que la langue vietnamienne est une langue à tons et que, par conséquent, une mauvaise utilisation des tons peut facilement transformer un prénom en un autre.

Điệp, c'est-à-dire Ilona
Aussi bien les jeunes Vietnamiens qui habitent en Pologne que les plus âgés, choisissent un correspondant polonais à leur vrai prénom. Évidemment, cela facilite la communication. Il n'est pas toujours plaisant d'entendre son prénom écorché par quelques audacieux qui s’essaient à le prononcer correctement ou qui, inconsciemment, disent un autre mot à la place, pas forcément très poli. Il n'est pas rare qu'un prénom, qui doit servir à un jeune Vietnamien durant des années, lui soit attribué à la hâte par une maîtresse d'école, un voisin ou des copains. Les Polonais font vite une équivalence entre un prénom polonais et un prénom vietnamien qui commencent par la même lettre. Ainsi, Duc peut devenir Dawid ou Daniel, Minh - Marian ou Mirosław. Il est plus rare que les prénoms polonais équivalents choisis sonnent d'une manière complètement différente. C'est pourtant le cas, lorsqu'un prénom se rapporte à une histoire affective et est celui de quelqu'un qui a compté dans la vie d'un Vietnamien et qu’il lui évoque un souvenir chaleureux.
On se décide souvent à choisir un équivalent polonais pour pouvoir se distinguer des autres Vietnamiens qui portent le même prénom.

De même que les jeunes Polonais, c’est souvent en grandissant que les Vietnamiens commencent à s'intéresser à la signification et à l'origine de leur prénom. Ils se réconcilient avec le fait que leurs amis polonais ne les appelleront pas par leur vrai prénom et, souvent, ils ne se souviennent pas eux-mêmes de la manière de le prononcer. Parmi les personnes que j'ai interrogées, seules quelques-unes se servent uniquement de leur prénom vietnamien. Ce sont, pour la plupart, des personnes qui ont vécu l’expérience d’une adaptation scolaire lors de laquelle l'acceptation par les camarades et la facilité à nouer de nouveaux contacts sont si importantes. Avec le temps, elles apprennent la signification de leurs prénoms et essayent de convaincre leurs amis de les utiliser. Un prénom qui était source de difficultés à l'école devient alors un élément intriguant et exotique de la personnalité.

Texte: Đàm Vân Anh
Traduction: Sadia Robein