Il y a de cela encore une dizaine d'années, il était très rare de voir des Français d'origine Polonaise, revenir tenter leur chance sur la terre de leurs ancêtres. Grâce à cet article, vous allez découvrir l'histoire de deux Français pas comme les autres. Ils ont pour point commun d'habiter à Varsovie et de parler aussi bien la langue de Molière que celle de Mickiewicz. Elisabeth Duda et Stéphane Włodarczyk, sont tout deux d'origine Polonaise, ils débarquent à Varsovie avec comme seuls bagages, leurs racines Polonaises et des rêves plein la tête. Élisabeth est, entre autres, actrice, présentatrice, et écrivain, elle se fait connaître grâce aux émissions de télé comme "Europa da się lubić", "Taniec z Gwiazdami" ou encore "Goscie Goscie". Élisabeth est également l'auteur d'un livre récemment paru en librairie, "Moj Paryż".
Stéphane quant à lui est à l'origine de la plupart des grands Festivals de la Francophonie organisés à Varsovie à l'image du festival "Francophonic". Il a longtemps évolue sous la bannière de "Musiques Actuelles", label du bureau export de l'ambassade de France. Il est le représentant de la musique francophone en Pologne. Stéphane est lui-même musicien et grand amateur de sonorités harmonisées en tout genre.
Cette histoire est celle de deux destins, deux success story en marche vers leurs apogées, un petit voyage au coeur de deux âmes que les chemins de la vie ont mené jusqu’à Varsovie.
Leurs Débuts:
E.D
Mon père est français depuis 4 générations, ma mère quant à elle, quitte son Swiebodzin natale et arrive à Paris en 1972, elle y est accueillie par le grand comique Fernandel en personne, qui l'accoste en prétextant qu'elle a "un bien joli sourire".
Plus tard elle préférera mon père au footballeur Gadocha.
Moi je suis née en 1978, mes parents mon grand frère et moi vivons alors dans un taudis du XIXe arrondissement.
Mon père ayant repris l'entreprise de démolition de mon grand père notre confort de vie a commencé à s'améliorer peu a peu.
Après une école de commerce internationale qui m'ouvre les yeux sur mes véritables aspirations, à savoir le théâtre et les activités culturelles, mes parents décident de m'envoyer à Łódż afin que je suive une formation de chef opérateur.
C'est comme ça que j'arrive à Swiebodzin chez ma grand-mère, avant d'intégrer l'école de Lodz, non pas la section chef opérateur, mais après concertation avec le directeur de l'école, je me suis inscrite en tant que comédienne.
S.W
Mon père est Polonais et ma mère est française, très tôt, mes parents font un gros effort pour que j'apprenne le Polonais. En 1981, ma grand-mère du côté de mon père vient passer une année a Paris, et ce n'est qu'à ce moment que je commence vraiment à apprendre la langue de Mickiewicz, car ma grand mère ne parlait pas un mot de Français à cette époque.
Ensuite quand j'ai passé mon bac en France, j'ai pris le Polonais comme langue vivante, ce qui m'a permis d'apprendre à écrire et de découvrir la littérature Polonaise.
Durant la deuxième partie de mes études, j'ai étudié l'histoire, c'est là que j'ai commencé à m'intéresser aux relations Franco-polonaises. J'ai donc fait une maîtrise sur le Journal télévisé en Pologne. Cette expérience m'a permis de découvrir Varsovie car j'y ai suivi un stage de deux mois durant lequel je me suis fait beaucoup d'amis.
Ensuite j'ai commencé une thèse sur les relations FRANCO-POLONAISES, et, pendant un an, j'ai habité à Varsovie, année durant laquelle j'ai même enseigné l'histoire de France à l'université de Varsovie.
Comment tu arrives a Varsovie?
E.D
Après 4 ans à Łódż passé sur les planches des théâtres, j'ai reçu une invitation à participer a l'émission "Europa da się Lubić".
À l’époque je faisais encore la navette entre Łodż et Varsovie. Mais très vite, je me suis rendu compte que tout se passait à Varsovie. C'est comme ça que j'ai décidé de quitter cette école et cette ville chère à mon coeur pour venir m'installer à la capitale. Cette émission de télé m'a permis, un peu comme partout ou j'ai vécu en Pologne, de me constituer une nouvelle famille.
S.W
En fait, tout a vraiment commencé quand j'ai rencontré les gens de l'ambassade de France, et plus précisément, les responsables du bureau export de la musique française. J'ai donc commencé à oeuvrer pour la promotion de la musique française en Pologne en créant le festival « Francophonic » et c'est comme ça que j'ai commencé à réellement vivre à Varsovie.
La vie à Varsovie
E.D
La vie à Varsovie, c'est une histoire en éternelle reconstruction, déjà du point de vue architectural, tu vas voir un immeuble un peu comme à Manhattan, et juste à côté il y aura un immeuble qui va plutôt te rappeler Paris, ensuite tu vas voir une façade encore criblée de balles.
Ça peut choquer un Parisien au début, mais moi je trouve que c'est ce qui fait le charme de cette ville.
Tu te dois de découvrir Varsovie, car ici rien ne tombe du ciel c'est a toi de faire la démarche d'aller vers la ville et non le contraire.
Pour moi en tant que française, ça vaut aussi le coup de redécouvrir l'histoire de Varsovie, une histoire camouflée, quasiment invisible. Il suffit de voir les photos d'avant-guerre qui tournent sur le net, à l'endroit où il y a la tombe du soldat inconnu sur la place Piułsuckiego, il y avait le palace Sacki, un palais somptueux dont il ne reste aujourd'hui que trois arcades. En ce qui concerne les endroits à la mode où un peu avant-gardistes, ils ne sont pas là, posés en plein milieu d'une place, ils sont cachés dans une cour ou sous un pont comme le bar Powysle par exemple.
Sinon j'aime aussi cette générosité dans la fête, même si les rencontres commencent par une petite poignée de main parfois un peu froide, elles se terminent souvent par une belle amitié et une grosse accolade. Pour moi ce côté généreux représente à mes yeux de l'esprit de Varsovie et de la Pologne en général.
S.W
Varsovie n'est pas une ville qui s'offre comme ça, gratuitement, il faut faire un petit effort, mais si jamais quelqu'un fait cet effort, il y a de grandes chances qu'il devienne profondément amoureux de cette ville et qu'elle ne le lâche plus jamais.
C'est peut-être à cause du tempérament un peu romantique de la culture polonaise et des Polonais; au début ce n’est pas facile, mais quand on tombe amoureux c'est pour de vrai.
Il suffit d'aller se balader un peu dans la vieille ville pour voir qu'il y a un charme fou, omniprésent à Varsovie. Il suffit aussi de suivre des Polonais dans ce que l'on appelle les "Nuits Varsoviennes" pour voir qu'on fait bien plus la fête ici qu'a Paris.
Il y a une culture de la fête qui est beaucoup plus naturelle qu'à Paris, on ne retrouve pas cette retenue Parisienne un peu bourgeoise, ici, il y a une culture de l'excès. L'excès dans le sens positif du terme, il faut vivre Varsovie, il faut goûter Varsovie.
Comment utilises-tu le fait d'avoir deux cultures?
E.D
Je rêve de recréer une amitié entre Paris et Varsovie, à l'image de celle des années 80, pendant l'époque du "Solidarnosc". Une solidarité, une coopération qui s'étendrait jusqu'au cinéma, comme à l'époque de Kyslowski et de son film "Bleu Blanc Rouge", avec Juliette Binoche.
Je voudrais aussi casser tous les préjugés qu'ont beaucoup de Français à propos des Polonais comme le fameux plombier par exemple.
Et finalement, je ne voudrais pas voir arriver à Varsovie ces phénomènes de peur ou de phobie qu'il y a en France. La peur de l’étranger ou des religions comme l'Islam par exemple. Je me rappelle à ce propos, qu'au lycée, j'avais un professeur de philo qui nous faisait lire le Coran et d'autres livres religieux, il nous parlait aussi de tolérance etc. En fait, je voudrais juste partager mon côté pluriculturel.
S.W
Le fait que je sois pluriculturel m'a permis de trouver un terrain un peu vierge à Varsovie, étant donné que je travaille dans la musique et qu'à Paris ce marché est beaucoup plus saturé qu’ici.
À Varsovie, il y avait beaucoup moins de concerts et d'entreprises orientées vers la musique.
Le plus amusant est que tout ce que j'ai pu faire en Pologne m'a permis de rencontrer des gens à Paris que je n'aurais sûrement pas rencontré autrement.
Et maintenant dans la tête de la plupart de ces personnes qui travaillent dans l'industrie du disque, je représente en quelque sorte la Pologne.
À côté de ça, à Varsovie, les gens ont encore soif de découverte, donc il y a encore de la place ne serait-ce que l'aspect multiculturel de la Francophnie. Un terrain propice à la promotion d'artistes Africains francophones comme Mamani Keita ou encore Amadou et Mariam.
En fait tout ce que je fais a Varsovie, a pour but, indirectement, de mieux faire comprendre en France qu'il y a un véritable sens de la qualité en Pologne.
Varsovie ville du futur?
E.D
Je suis sûre que le poids culturel de Varsovie va énormément jouer dans la balance Européenne, on peut le voir à travers tout ces festivals et aussi à travers toutes ces coproductions cinématographiques.
Stratégiquement parlant, c'est un emplacement très intéressant, tu es presque obligé de passer par ici, de croiser le palace de la culture sur ton trajet Européen.
Malgré son passé douloureux, Varsovie est une ville qui évolue constamment, avec cette jeunesse complètement ADHD qui a quantité de nouveaux projets et qui fini la plupart du temps par les réaliser.
Pour terminer je dirais qu'ici j'ai fait les meilleures fêtes de ma vie, et rien que par rapport à ça, (rires) et à l'Euro 2012, il n'y a aucune chance que Varsovie ne devienne pas une grande capitale businesso-culturelle…
S.W
Moi j'ai envie d'y croire, ça c'est certain.
Non seulement parce que c'est dans mon intérêt, mais aussi parce que j'ai un certain sentiment pour Varsovie. Je considère que c’est une ville martyre du XXe siècle et qu'elle n'occupe pas la place qu'elle devrait dans l'Europe aujourd'hui.
Pour le moment on ne sait rien, on ne peut pas parier sur l'avenir,
il se peut que Varsovie reste la capitale d'un pays situé aux confins de l'Europe.
Néanmoins, il y a un potentiel, mais tout ça va dépendre de l'économie et de la politique. Je suis persuadé que la Pologne peut jouer un rôle de pilier en Europe Centrale. Je pense qu'on a les moyens, nous le Varsoviens de faire en sorte que cette ville prenne une dimension de grande capitale européenne, et pour cela il y a assez d'entrepreneurs, de scientifiques et d'artistes de talent.
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Voilà, ainsi se termine notre rencontre, ce double portrait de deux métisses culturels qui réalisent leurs rêves...entre Varsovie et Paris.
À l’heure d'aujourd'hui, le deuxième livre d’Elisabeth Duba, qui s'intitule "Jojo et Lulu", est sur le point de sortir en Pologne. Elle joue également l'un des rôles principaux dans un film français, sur la vie de Richard Wagner.
Stéphane Włodarczyk, lui, désire maintenant promouvoir certains artistes Polonais dans d'autres pays d'Europe comme la France ou encore l'Allemagne. Il prévoit aussi de reprendre ses études à la Sorbonne et de faire son doctorat sur la politique culturelle du spectacle vivant (musique théâtre, danse) en Pologne.