Quelqu'un a dit un jour que l'observation apporte de la souffrance à la fois à l'observateur qu'à l'objet de son observation. C'est pourquoi, l'observation de temps, d'espace et de mon existence en Pologne a été faite par moi-même. Première observation – relation entre l'hiver polonais et le sable de la plage portugaise.
Tout a commencé au moment de mon arrivée en Pologne. C'était l'hiver. Ma première impression c'était bien sûr le manque de lumière. Les comparaisons entre la Pologne et mon pays (le Portugal) s'imposent elles-mêmes et concernent non seulement le soleil et la situation géographique de deux pays mais surtout la quantité de lumière. Chacun a ses préférences mais moi, ce dont je m'ennuyais le plus au début ce n'était pas forcément le soleil mais la lumière. Après un moment, j'ai commencé lentement à m'habituer à l'hiver (pas seulement en changeant ma façon de penser mais aussi par mes sens, en touchant la neige avec mes yeux, mains, pieds et visage) pour découvrir, pas à pas, quelques curiosités intéressantes. Je vais commencer par les plus petites. Savez-vous, par exemple, ce qui (par hypothèse) lie la neige polonaise au sable de la plage portugaise? La réponse à cette question sera très subjective mais à mon avis c'est le grincement de la neige et du sable sous vos pieds que vous ressentez en marchant. J'aime bien ce type d'expérience. Je vais par exemple dans le bois, j'élabore l'itinéraire que je vais prendre. Puis, je ferme les yeux et je marche sur la neige en écoutant le bruit sous mes pieds. Ce bruit me rappelle le sable et c'est là que mes pensées vont au Portugal en me souvenant du sable, de certaines couleurs et émotions qui y sont associées.
Deuxième observation – le mouvement et l'immobilité en hiver polonais.
Une autre chose à laquelle j'ai dû m'habituer (et n'oubliez pas que nous parlons des cas simpes), c'était le fait de me déplacer ou simplement marcher sur la neige.
Parfois, je ne savais pas comment m'y prendre. Comment marcher sur le sol gelé sans chuter? J'ai commencé à apprendre à plusieurs reprises, et le processus s'est avéré très intéressant. Je suis sorti dehors, je me tenais sans bouger et j'ai essayé de m'imaginer moi-même comme si je marchais sur la surface gelée (la surface que j'ai choisie pour mener mon expérience n'était bien sûr gelée que partiellement). C'était quelque chose de nouveau, pas seulement pour mon corps mais surtout pour ma personne toute entière. J'ai également observé d'autres personnes qui essayaient de ne pas tomber, et il était clair qu'ils s'entraînent depuis des années. La différence entre nous était telle que je ressemblais probablement à un enfant et je me sentais au moins ridicule pendant mes exercices.
Troisième observation – la fin de l'hiver dans l'agglomération.
Quant à moi, la fin de l'hiver en ville est associée à l'eau qui, en se transformant, naît de son état solide. Je me rends compte que je n'ai pas trouvé la pie au nid mais l'hiver en ville est complètement différent de celui en pleine nature. Dans la ville, nous sommes confrontés aux surfaces artificielles et aux routes. Près des routes, il y a beaucoup de bouches d'égouts où s'écoule l'eau pendant la pluie. Si tu t'arrêtes dans une rue calme et fermes tes yeux, tu vas probablement entendre le son de l'hiver qui s'en va. C'est l'un de ces moments où toute la ville est dynamique avec ses cascades. Dire ”adieu” à l'hiver et accueillir le printemps est devenu pour moi un rituel et j'étais convaincu que tout le monde pouvait entendre l'hiver s'en aller! Avec mon imagination, j'ai vu un tableau suivant: toute la ville se tait, les voitures, les trains, les bus et toutes les personnes (comme dans une grande mise en scène) ferment les yeux et écoutent le départ de l'hiver.
Quatrième et dernière observation – le printemps et les choses invisibles à l'oeil nu.
Nous sommes en avril. Nous avons beaucoup de soleil et de lumière ce qui change considérablement le visage de la Pologne. L'un des changements est que je laisse ma veste à la maison. Je me sens toujours embarassé quand je vois des gens en T-shirts, et moi, je porte ma veste d'hiver. Tout le monde reste à l'extérieur, sort les chaises et les tables dans les rues. J'aime bien me promener à Varsovie, regarder les bâtiments et observer les gens. Je cherche ce qui est invisible à l'oeil nu (je cherche la poésie …).
Au coin de la rue Nowy Swiat, il y a un trio; deux personnes jouent de la trompette et une du tuba. Elles jouent de la musique parfaite pour finir la journée. La ville semble être en harmonie parfaite avec le rythme et le mouvement. Près de la gare ”Varsovie Centrale”, je vois un homme qui tente de transporter beaucoup de bagages. Au moment où il déplace une valise, la deuxième lui tombe sur le sol et ainsi de suite. Ensemble, ils forment un autre trio: lui, ses valises et la gravité. La seule chose qui manque ce sont les musiciens. Je monte dans un tram. La soirée s'approche. Je remarque des choses invisibles à l'oeil nu; elles sont à côté de nous, dans la ville animée, en nous-mêmes.
Antonio Xavier
Gdynia, le 19 avril 2011
Traduction: Agnieszka Zręda