Nous apprenions la langue polonaise grâce à deux Mesdames, Anna et Danuta qui étaient des enseignantes très sympathiques. Madame Anna était très jeune (elle s’était récemment fiancée), tandis que Madame Danuta avait déjà une famille, à savoir un époux et des enfants. Conformément aux traditions vietnamiennes, nous faisions preuve de respect envers nos enseignantes en les écoutant attentivement et en étant des élèves assidues.
À cette époque-là, l’Ambassade du Viêt-Nam organisait chaque année un camp d’été pour ses étudiants. Nous avons su de la part des collègues plus âgés qu’en 1979 le camp d’été a été organisé à Chełm et cela constituait une période très intéressante dans la vie de chaque étudiant. Durant le camp ne se tiendront pas uniquement des réunions pour le membres de l’Union de la jeunesse communiste du Viêt-Nam, dont nous faisions tous partie, mais aussi il y’aura du travail grâce auquel nous pouvions améliorer notre modeste budget d’étudiant. Il y aura également des divertissements, car nous étudions en Pologne « décontractée » où le personnel de l’Ambassade n’était pas en mesure de tout et de nous tous contrôler. L’essentiel était que durant notre séjour au camp il y aurait non seulement des étudiants vietnamiens mais aussi polonais. En 1980 le camp d’été pour les étudiants de toutes les années avait eu lieu à Przemyśl.
Après des adieux émouvants avec les enseignantes, en date du 26 juillet 1980, le train de la matinée nous a transporté à Przemyśl. Nous avons tous reçu des petits souvenirs de la part de nos enseignantes sympathiques. Bien évidemment nous avions fait une collecte et nous avions acheté pour eux des fleurs et des souvenirs. Moi, j’ai reçu un petit carnet avec une inscription en or disant « Journal », dans lequel chacun a écrit un petit quelque chose. J’ai beaucoup aimé la note d’Andrzej, du fiancé de Ania. Donc à la fin de l’année universitaire, l’appellation de Madame Anna s’est transformé en Ania ; la distance entre un enseignant et un étudiant est disparu et nous pouvions nous tutoyer. Cette note, je l’ai apprise par cœur : « Cher Minh ! Souviens-toi toujours que les vaches sont noires durant la nuit, il en va de même pour les blondes ».
Je ne me souviens pas exactement des travaux que nous avions à faire durant notre camp à Przemyśl. Je ne sais pas également pour quelle raison il y a si peu de notes dans mon journal durant cette période, par exemple : « un peu de travail, un peu de repos et de divertissement, quelque fois un feu de camp a été organisé le soir ». Peut-être que j’ai su déjà qu’on n’écrit simplement pas sur certaines choses. Je me rappelais que lorsque j’habitais au foyer des étudiants à Hanoï, quelque fois un de mes collègues « volait » mon journal et le lisait à haute voix à tout le monde, en se moquant de moi.
Comme je reviens dans mes souvenirs aux temps d’école, nous avions tous, si je me rappelle bien, de très bons souvenirs du Viêt-Nam, même si aucun de nous n’avait pas de petite amie ou n’avait pas connu soi-disant un grand amour. Nous étions si jeunes et « pures idéologiquement », par conséquent, « peu expérimentés ». A l’Université de Hanoï, dans la dernière classe (dixième classe), au profil mathématique, il y avait une seule fille, appelée Hoa, ce qui signifie « Fleur ». Je l’aimais bien, car elle venait de la ville de Bac Ninh, tandis que moi je venais de la vile Bac Giang, donc nous provenions de la même province, Ha Bac. Nous étions et nous sommes toujours amis. Durant une courte période, je me suis lié d’amitié avec la plus jolie fille de la classe dixième (au total il y avait uniquement 3 ou 4 jolies filles), appelée « Rivière ». Nous nous promenions, faisions ensemble les devoirs (plutôt des exercices de mathématiques), mais jamais nous nous sommes tenus par la main et il n’était jamais question d’un premier baiser. C’est pourquoi, nous pouvions constater qu’il n’y avait rien entre nous. Nous avions peur de quelque chose. J’ai même écrit un poème pour elle, mais je ne l’ai rien dit et plus tard elle m’évitait. Ainsi, je ne savais pas si c’était de l’amour ou de la sympathie. Je ne connaitrais comment les filles vietnamiennes pensent. Il semble qu’en amour elles disent le contraire de ce qu’elles pensent.
Je ne peux être sûr de rien, mais lors de notre apprentissage de la langue polonaise à l’Ecole auprès de l’Université de Marie Curie- Skłodowska à Lublin, tout le monde apprenait de manière assidue et personne n’avait de contact proche avec les filles polonaises. Nous pouvons même constater que nous nous sommes surveillés les uns et les autres à ce propos. Durant le camp, l’atmosphère été plus décontractée, donc chacun cherchait une nouvelle possibilité de faire des connaissances avec les filles polonaises. Bien évidemment, nos collègues des classes supérieures étaient plus courageux et plus expérimentés.
Nous avions des guitares et nous chantions ensemble. C’étaient non seulement des chants patriotiques vietnamiens, mais nous avons appris également les chansons du groupe polonais « Czerwone Gitary » et de Beatles et d’autres groupes de l’Ouest « pourri ». Le soir, nous organisions des discothèques avec nos collègues polonais. C’était toujours amusant. Par ailleurs, nous avons visité quelque fois les alentours de Przemyśl et d’autres villes telles que Baranów ou Rzeszów.
Durant mon séjour à Przemyśl, au début j’étais amis avec Teresa. Nous nous promenions dans le bois. Nous étions en Pologne, non pas au Viêt-Nam, donc nous n’avions pas honte de nous tenir par la main. Mais à titre de précaution, nous évitions les regards des autres et nous nous ne montrions pas notre proche amitié. Après un temps, j’ai connu Iwona qui était une jolie blonde. Malheureusement, comme j’étais un garçon jeune et peu expérimenté, j’ai commis la première faute dans ma vie, à savoir j’essayais de vaincre Iwona, mais elle était intéressée par mon collègue de groupe, O.
Teresa était en colère contre moi et elle n’a voulu jamais se rencontrer avec moi pour une promenade. De façon ostentatoire, elle prenait rendez-vous avec un autre collègue de mon groupe, avec D.
Donc ma relation avec la première et la deuxième fille a pris fin. Aucun couple polonais- vietnamien ne s’est formé, seulement un goût amer de ceci est restée. Un échec total. Mes vacances ont été gâchées. Je ne m’intéressait pas à ce que les autres collègues faisaient. Qu’ils fassent ce qu’ils veulent. J’ai tiré une conclusion précieuse de la vie : « Sois content de ce que tu as et ne veuilles jamais plus !
Le camp d’été n’avait pas réussi du point de vue financier, car en Pologne les temps sont devenus durs. Le zloty a perdu sa valeur et le prix de la nourriture a augmenté vite, notamment il y avait peu de marchandises, et nous avons gagné peu d’argent lors de ces travaux. Les cartes pour certaines marchandises ont apparu, donc nous nous réjouissions brièvement que nous pouvions partir d’une région pauvre et arriver dans un pays plus riche où à la cantine nous pouvions manger de la soupe jusqu’à ce que nous étions rassasiés. Par conséquent, nous sommes devenus de nouveau de pauvres étudiants.
Nous sommes retournés à Lublin où m’attendait beaucoup de lettres du Viêt-Nam. J’étais content de ce fait, mais la situation politique et économique de la Pologne m’attristait. Concrètement, nous recevions pour le dîner deux tranches de pain, donc nous avions très faim lors que nous nous couchions. Les souvenirs désagréables du Viêt-Nam en guerre revenaient.
Il restait quelques jours de vacances, donc je me suis fait délivré un Livret de travail pour étudiant aux fins de trouver un travail, car la bourse suffisait à peine pour couvrir les frais liés à la nourriture. Je savais que lorsque les études commenceront il faudrait acheter encore des livres, des manuels. Outre cela, après ma première année en Pologne, il fallait penser à aider ma famille au Viêt-Nam. Je ne rêvais pas d’une bicyclette ou d’une machine à coudre, car en Pologne ces choses coûtaient chers et peut-être après 5 ans, à la fin des études j’aurais collecté l’argent pour ces biens. Mais à cette époque-là, quelques mètres d’un tissu noir pour un pantalon féminin ou d’un tissu clair pour une chemise seraient plus utiles pour le reste des membres de ma famille du beaucoup plus pauvre Viêt-Nam. Chaque Vietnamien, lors de son voyage au Viêt-Nam, prenait toujours des colis de ces collègues dédiés pour leur famille.
J’ai trouvé un travail dans un cabinet de notaire auprès du Tribunal de la Voïvodie. Le travail consistait à ordonner des dossiers de documents dans la bibliothèque et dans l’entrepôt. J’ai gagné plus d’argent dans ce travail que dans celui à Przemyśl. Finalement le budget de l’étudiant s’est amélioré.
Le plus essentiel est que durant mon travail à Tribunal j’ai connu une très jolie fille aux cheveux noirs, appelée Adela. Elle y travaillait comme secrétaire. La vie est quand même imprévisible, car maintenant je reçois des travaux dans les tribunaux en tant que traducteur.
Nous sommes devenus des amis, mais après un temps j’ai appris qu’Adela avait un petit ami, qui effectuait le service militaire à Gdynia, et probablement dans l’avenir, ils se marieront. De nouveau, la vie montrait une facette inattendue, très difficile et triste.
Rien n’est perdu, il fallait garder la tête haute, car pour le jeune homme de 19 ans attendait la ville belle et romantique de Wrocław. Par la suite, il s’avérait que le destin était beaucoup plus favorable pour le pauvre étudiant, même si personne ne peut prévoir ce qui l’attend dans le futur.
à suivre…
Ngo Hoang Minh
[Traduction : Marta Modzelewska]